melissa boucher
saigon


Comment résumerais-tu ton parcours jusqu’à présent?
J’ai fait les Beaux Arts de Paris et j’ai couplé ce parcours avec un passage par Les Gobelins, l’école de l’image.
J’ai eu la chance d’obtenir une bourse à la sortie des Beaux Arts, grâce à l’école et avec le concours de l’ambassade des Etats-Unis. Cela m’a permis de réaliser un parcours photographique de 3 mois entre le Nord Dakota, le Montana et le Wyoming, ce qui a donné lieu à plusieurs expositions. J’ai voulu en profiter pour découvrir de nouveaux environnements éloignés des grandes métropoles, à la rencontre d’une portion de la population américaine qui m’était encore inconnue.
Après cette période il fallait trouver sa propre économie et le temps de développer son travail personnel. En ce moment, je réalise des workshops en arts visuels dans un institut à Sarcelles et j’enseigne dans une école Montessori. À côté je développe mon propre travail photographique dans un atelier collectif, le Houloc à Aubervilliers. C’est un espace qui repose sur un système de mise en commun des moyens, grâce à des subventions notamment.

À Saigon, il y avait ce contraste assez frappant entre la ville très moderne, très influencée par les cultures occidentales et des zones beaucoup plus précaires ou anciennes qui m’a beaucoup attiré. À la tombée de la nuit, beaucoup de jeunes ou de familles viennent s’installer sur leurs motos ou même par terre le long de la fameuse avenue Nguyen Hue, face aux fastfoods et aux magasins luxueux, ce qui donnait un peu de vie à ces lieux. Sans doute une grande partie d’eux rêvent d’Occident, mais ne délaissent pas leur culture pour autant. Ils s’affirment dans ces espaces en les occupant, en s’y installant, en y mangeant, en s’embrassant et tous ces gestes composent un ensemble saisissant.
Dans tes photos, on voit rarement les visages mais on ressent un jeu des corps, une séduction. Est-ce-que tu signalais ta présence?
Oui souvent je lâchais un flash pour montrer que j’étais dans le coin quand je passais devant des groupes de personnes, pour voir leurs réactions à ma présence. Puis je reprenais des photos plus tard quand ils/elles m’avaient un peu oubliée. Je pense que la question de la frontalité a évolué dans ma pratique, et s’adapte au contexte ou au projet. Je crois que ce qui m’attire dans les images réalisées au Vietnam c’est l’idée d’un ensemble plus que d’une individualité. Je voulais saisir une gestuelle, un dialogue des corps.



Le flash est très présent dans ton travail. Est-ce qu’il y a une raison spécifique à cette utilisation ou c’est par pur besoin technique sur le moment?
J’aime bien l’idée que le flash vient figer une fragilité. Quand je l’utilise avec les drapés, ça apporte une étrangeté qui me plait. Le flash vient donner une texture, le tissu devient sculpture. Je pense que c’est cet aspect sculptural qui donne une sensualité. Le flash donne corps à l’objet.
La série de photographies On ne demande pas des comptes à un orage réalisée au Vietnam, sera prochainement exposée au pavillon populaire dans le cadre du festival Les Boutographies à Montpellier, du 4 au 26 mai.


Interview: Alice Lahana
Crédits photo: Mélissa Boucher
https://www.instagram.com/meliszaboucher/
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© L’Observatoire Magazine – 2019